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Gestion des risques en rivière : de l’intérêt d’un encadrement professionnel

Lorsque j’ai débuté dans le Rafting, en 2005, se procurer un kayak n’était pas chose aisée. Il fallait contacter un vendeur professionnel ou un club. Consécutivement, la pratique était beaucoup plus encadrée. Aujourd’hui, il est possible d’acquérir un bateau à prix modique auprès de grandes enseignes et de se jeter à l’eau sans aucune connaissance technique.

Ainsi, l’an dernier, j’ai aperçu un kayak coincé dans un très gros rappel en aval d’un barrage, en train de tourner sur lui-même. J’ai immédiatement cherché à localiser son occupant, une noyade étant difficilement évitable à cet endroit-là. Heureusement, il était parvenu à rejoindre la berge en amont du danger. Afin de ne pas risquer de perdre son bateau, il s’était attaché à l’embarcation et était parfaitement conscient qu’il venait d’échapper au pire. Deux jours plus tard, j’ai retrouvé un sac étanche contenant des vêtements et un téléphone portable, que j’ai pu rallumer. Une fois la propriétaire des objets retrouvée, elle est venue les rechercher à la base et m’a raconté sa mésaventure : avec un ami, ils étaient partis faire du canoë, sans connaissances du milieu ni du parcours. Ils ont franchi un seuil qu’ils n’avaient pas repéré et sont restés coincés dans le rappel, qui ne les a relâchés que par chance et après un certain temps, durant lequel ils ont bien cru ne jamais pouvoir en ressortir. Alors que j’entame ma 12ème saison consécutive sur le Gave de Pau avec Tom Rafting, il m’arrive d’être témoin de tels évènements. L’objectif de cet article est de permettre à chacun de prendre conscience des dangers de la rivière. Comme la mer ou la montagne, il s’agit d’un milieu naturel aux conditions variables et rapidement évolutives. Afin d’en profiter en toute sécurité, il est important de se former ou de se faire accompagner d’un professionnel.

La navigation en eaux-vives, qu’est-ce que c’est ?

Naviguer en eaux-vives signifie descendre une rivière à l’aide d’une embarcation.

Il existe différents types de bateaux (rafts, barques, canoës, kayaks, etc.), que l’on peut répartir en deux grandes catégories : ceux qui sont propulsés par un moteur et ceux qui doivent leur élan à l’énergie humaine. Toutes les embarcations descendant des rivières sont soumises à une force bien particulière : le courant. La navigation en eaux-vives est à différencier de celle qui se pratique en eau-calme et en mer, lesquelles répondent à d’autres contraintes et font l’objet de normes de sécurité différentes.

Classement des rivières en France, par niveau de difficulté technique :

 

Classe Définition
I Facile – Courant rapide avec vaguelettes. Peu d’obstructions, qui sont évidentes et facilement évitées avec un minimum d’entraînement. Récupération facile en cas de problème.
II Débutant – Rapides simples, avec passes évidentes, ne nécessitant pas de reconnaissance. Manœuvres occasionnelles requises, mais rochers et vagues de taille moyenne sont facilement évités par les pratiquants entraînés. Aide extérieure rarement nécessaire en cas de problème.
III Intermédiaire – Rapide avec des vagues irrégulières, de taille modérée, pouvant être difficiles à éviter. Des manœuvres complexes dans un courant rapide ainsi qu’un bon contrôle du bateau dans des passages étroits ou autour de rochers sont souvent nécessaires. Grosses vagues et obstructions peuvent être présents mais sont facilement évités. De puissants contre-courants et mouvements d’eau peuvent se rencontrer, particulièrement sur les parcours à volume. Reconnaissance recommandée pour les moins expérimentés. Récupération habituellement facile mais une aide extérieure permet d’éviter les bains prolongés.
IV Avancé – Rapides intenses, puissants mais prévisibles, nécessitant un contrôle précis du bateau dans une eau agitée. Selon le type de parcours, on trouve de grosses vagues et gros rouleaux ne pouvant être évités, des passages étroits demandant des réactions rapides dans des conditions stressantes. Requiert la capacité s’arrêter rapidement et de façon sûre. Rapides imposant des trajectoires « obligatoires » dans un contexte dangereux. Récupération pouvant être difficile. Aide extérieure souvent essentielle mais demandant compétences et expérience. Esquimautage fiable fortement recommandé.
V Expert – Rapides extrêmement longs, encombrés, ou très violents. Passages pouvant contenir grosses vagues et gros rouleaux, ou passes resserrées avec des trajectoires complexes et techniquement exigeantes. Rapides pouvant s’étaler sur de longues distances entre les zones calmes, réclamant une bonne condition physique. Les contre-courants rencontrés peuvent être petits, agités, ou difficiles à atteindre. Reconnaissance recommandée mais pouvant être difficile. Récupération difficile. Un esquimautage très fiable, un équipement adapté, une expérience conséquente ainsi que des compétences pratiques dans le domaine de la sécurité constituent des points essentiels.
VI Extrême et exploratoire – Ce type de parcours représente la plupart du temps les limites de la difficulté. La récupération peut être impossible. Pour équipe d’experts seulement, à niveau d’eau favorable, après reconnaissance minutieuse et en prenant toutes les précautions possibles.
X Infran – Passage infranchissable jusqu’à preuve du contraire. Si un franchissement volontaire en canoë-kayak est réussi dans des conditions normales, le passage est décoté en 6. Un obstacle temporaire qui rend infranchissable un rapide franchissable en temps normal n’affecte pas la cotation (ex. arbre en travers d’un rapide de classe 3).
Source : eauxvives.org

Les principaux dangers en eaux-vives

Dangers naturels

Les dangers naturels dépendent beaucoup des niveaux d’eau et des conditions. Ils peuvent ainsi apparaitre et disparaitre au gré des crues et des décrues et s’avérer plus ou moins périlleux selon la force du courant.

Gave de Pau en crue, juin 2018

Le drossage

Le drossage désigne le mouvement naturel suivi par le courant lorsque la rivière décrit une courbe. Il peut en résulter deux dangers principaux : le risque de se faire plaquer par la pression de l’eau contre l’extérieur du virage avec de grandes difficultés, voire une impossibilité à s’en extraire, et celui de se coincer dans un élément naturel dénudé par le courant (souche, rocher, anfractuosité).

Le rappel

Également appelé « machine à laver », le rappel désigne un mouvement d’eau qui se crée lorsqu’un courant franchit un seuil et que deux conditions sont cumulées : une inclinaison particulière et une vitesse spécifique. Il n’est pas nécessaire que le débit soit très important ou le seuil très haut, ce qui rend la situation difficilement prévisible pour les non-initiés.

Comme son nom l’indique, un rappel crée un mouvement de rotation dans lequel tout objet tend à se retrouver coincé avant de se voir rejeté, ce qui peut se produire bien trop tard pour éviter la noyade.

Le siphon

Un siphon désigne un blocage de l’eau en surface, quelle qu’en soit la raison (rochers, arbres tombés, etc.), qui engendre le passage du courant en-dessous de l’obstacle.

Le danger principal est d’être aspiré vers le fond par le mouvement d’eau sans pouvoir remonter à la surface, auquel se cumule le risque de coincement.

Le coincement

Le lit d’une rivière n’est jamais plat ! On y rencontre de nombreux obstacles, tels de gros rochers ou même des arbres, dans lesquels il est possible de se retrouver coincé, notamment lorsque l’on essaie de marcher au fond. Le courant continuant d’entrainer le reste du corps, il se produit un basculement en avant, qui engendre la noyade en cas d’impossibilité de dégager le membre coincé.

La cravate

La cravate désigne le pliage d’un bateau contre un caillou ou entre deux cailloux. Dans le premier cas, l’embarcation se retrouve littéralement plaquée par le courant de part et d’autre du rocher et, s’il s’agit d’un kayak ou d’un canoë, suffisamment déformée pour empêcher son occupant de s’en extraire. Dans le second cas, le bateau est compressé à l’avant et à l’arrière et se plie par le milieu, se refermant sur le navigateur. Devenue extrêmement rare, sans doute grâce au développement de matériaux de plus en plus performants, la cravate pourrait se produire lors de l’utilisation d’une embarcation de moindre qualité sur un parcours particulièrement dangereux.

L’hydrocution et l’hypothermie

Les rivières étant directement issues de la fonte des neiges en montagne, il est fréquent que leur température présente une différence importante avec celle de l’air environnant. Lors d’un effort engendrant une augmentation de la température corporelle, il est possible de subir un choc thermique (hydrocution) en chutant dans l’eau. Un équipement mal choisi, inadapté au niveau de sa taille ou de son épaisseur, accroit le risque. Lorsque l’on reste coincé en eaux-vives durant une période prolongée, il est également possible de tomber en hypothermie, c’est-à-dire que la température du corps chute suffisamment pour empêcher l’organisme d’accomplir correctement les fonctions vitales.

Dangers artificiels

Même s’ils sont visibles, les dangers artificiels constituent des zones de risques permanents, difficiles à appréhender sans connaissances préalables.

Rappel en aval du barrage, Gave de Pau, juin 2018

Les barrages

Les barrages sont généralement infranchissables, mais souvent pourvus de glissières permettant le passage des embarcations. Les principaux dangers liés à leur présence sur les rivières sont les rappels créés en aval et, occasionnellement, l’existence de siphons (par exemple lors de l’utilisation de vannes à crémaillère). Il est nécessaire de débarquer en amont pour repérer leur configuration et décider de la conduite à tenir.

Les lâchers d’eau

Les centrales hydroélectriques procèdent à des lâchers d’eau, lesquels ne font pas nécessairement l’objet d’un avertissement préalable. Une grande quantité d’eau se voit subitement déversée dans la rivière, ce qui engendre une montée soudaine du niveau en aval, avec une augmentation importante du débit. Un environnement qui paraissait calme devient alors mouvementé. Les risques principaux sont une perte de maîtrise liée à l’évolution des exigences techniques du milieu et l’impossibilité de rejoindre rapidement une rive.

Les ponts

La présence de piliers dans les cours d’eaux engendre des risques de cravate (voir ci-dessus) et génère souvent des embâcles (accumulations naturelles de matériaux – bien souvent des branchages -) à l’origine de siphons et de coincements.

Prévention des risques

Il est très important de débarquer pour repérer les passages difficiles depuis le bord.

Pour éviter de se retrouver dans une situation périlleuse, il est possible de se former ou de faire appel aux compétences d’un professionnel qualifié afin de profiter des sensations inégalables de la navigation en eaux-vives en toute sécurité. Les capacités requises par cette pratique incluent notamment :

Savoir lire la rivière

Une bonne lecture de rivière permet de repérer les dangers en amont et d’anticiper la conduite à tenir. Un navigateur expérimenté est ainsi capable de choisir la meilleure trajectoire et de décider s’il y a lieu de débarquer pour effectuer un repérage ou non.

Connaître la bonne attitude face au danger et savoir l’adopter

En situation difficile, certains comportements peuvent vous sauver la vie, et d’autres la mettre en péril. La conduite à tenir peut fortement différer selon le type de problème auquel il s’agit de faire face. Par exemple, pour éviter un coincement lors d’une chute, il est impératif d’adopter la position de sécurité que nous enseignons à nos clients lors de chaque séance. La formation est préférable aux réflexes, souvent inefficaces.

Être conscient de ses propres capacités

Connaître ses limites, mais aussi et surtout être capable de mettre en lien le niveau de difficulté du parcours que l’on souhaite naviguer et son propre niveau technique est particulièrement important. Une fois sur l’eau, il est souvent un peu tard pour changer de stratégie, surtout si l’on se retrouve en situation difficile.

En tant que professionnel qualifié, j’adopte des mesures supplémentaires pour minimiser les risques, comme :

  • Le contrôle régulier des parcours, afin de repérer les dangers ;
  • L’entretien minutieux de l’équipement thermique et de sécurité fourni aux clients ;
  • Le suivi d’une formation continue ;
  • Le développement et le maintien de relations étroites avec les acteurs locaux concernés par la rivière, notamment mes collègues et les exploitants des barrages.

Pourquoi avoir recours à un encadrement professionnel ?

Parce qu’il s’agit de la meilleure manière de se faire plaisir en toute sérénité !

Les professionnels connaissent toutes les mesures de sécurité à adopter pour vous permettre de profiter sereinement de l’eau-vive !

Lorsque j’ai créé Tom Rafting, je souhaitais pouvoir partager ma passion pour le Rafting avec le plus grand nombre. Passionné d’eaux-vives depuis toujours, j’avais à cœur de rendre accessibles à tous les sensations uniques que procure une descente dans les rapides au coeur des magnifiques paysages pyrénéens. J’ai parfois l’impression que les pratiquants occasionnels manquent de connaissances relativement à la formation que nous suivons en tant que guides de rivière professionnels. Et pourtant… C’est bien grâce à elle que nous pouvons vous emmener sur nos rafts, que nous sommes capables d’assurer votre sécurité en cas de danger et que vous êtes aussi nombreux à nous renouveler votre confiance chaque année.

Le plaisir de l’eau-vive est fait pour être partagé partout et par tous, mais pas n’importe comment. Fort de cette constatation, j’ai créé cette année une toute nouvelle formation en rivière, qui vous permettra d’acquérir des bases indispensables si votre métier ou vos loisirs vous amènent à être en contact avec le milieu spécifique de l’eau-vive :